J'ai enfin trouvé un allié dans ce chat noir qui baille. Je passais dans la rue quand il m'a interpellé en miaulant. « Meoooh. »
Je pivote sur moi-même, il était là, en haut d'une colonne, à la cool, au soleil, en train de se frotter
sur la pierre. Je ne sais pas si c'est un dissident, mais lui au moins il m'a à la bonne. Je prends la photo.
– Ça va, le chat ?
– Pas mal.
– Dis, tu as une idée... à savoir : pourquoi les autres chats du coin me snobent en ce moment ?
– De quoi tu parles, vieux ?
– Je sens comme une conspiration, orientée contre moi. Dès que je les approche, ils me fuient.
– Moi j'ai pas fuis, je t'ai appelé.
– J'en déduis que tu ne fais pas partie de la conspiration.
– Mec, si tu tiens ce genre de discours à tous les chats que tu croise, pas étonnant qu'ils t'évitent.
– Non d'habitude je leur dis juste : « Chat, ou minou... viens minou... » ce genre de trucs. Je débarque même avec des croquettes. Mais bernique !
– Si je t'ai appelé c'est pour te montrer combien c'est cool de prendre le soleil. Juste ça. Le message c'est : profite.
– C'est noté.
– Et puis, des fois on a envie de causer, des fois non. C'est ça les chats.
– Mouais. Je sens quand même quelque chose dans l'air. Du négatif à mon égard.
– Arrange-toi pour que les humains croient que ce genre de dialogue sort de ta tête, vieux, sinon t'es cuit.
– Merci du conseil.
J'attends un « hasta la vie d'chat, baby » ou un truc du genre, mais la communication est rompue.
Un autre jour, j'ai un paquet de biscottes sous le bras. Je vois un chat qui marche sur un muret le long d'une maison. Le temps de faire le point, une photo floue, deux photos floues. Impossible de faire l'avoir net.
Un type à une fenêtre de la baraque me lance : « Je peux vous aider monsieur ? » Moi : « Non, non, merci, je prends juste ce chat en photo. » Lui : « Ouuaaais. » Je suis pas très malin, mais je sais reconnaître un ouais. Son ouais voulait dire : « c'est ça... arrête de photographier ma baraque et détalle en souplesse. » Le gars imagine peut-être que je suis en repérage pour un cambriolage avec un paquet de biscottes sous le bras ? Malin. Une tactique comme une autre. Comment lui faire comprendre que mon truc c'est de photographier les chats ? Que je tiens une chronique sur Facebook suivie par un nombre indécent de followers ? C'est bizarre ? Déplacé ? Je détalle en souplesse.
Plus loin, le chat me double sur le trottoir d'en face, comme s'il m'avait suivi. Afin de savoir où je vais et si je suis un danger ou non. Sûr qu'il a entendu parler de moi ! Ce gars bizarre qui rôde en ville et qui prend tout ce qui ressemble à un chat en photo. Je vous le dis, la conspiration s'intensifie. Et les chats ont des alliés puissants : les proprios. Des mecs qui ne supportent pas que d'autres mecs avec des paquets de biscottes sous le bras viennent rôder autour de leur baraque. Je crois que je vais avoir des problèmes. Mais je crois que je m'en tape. Ils veulent la guerre ? Ils vont l'avoir ! à suivre...